La pierre naturelle locale en réponse à la crise des matériaux
La dépendance des matériaux est mise en exergue par une situation inédite aux multiples facettes.
Entre les conséquences de la pandémie, la guerre en Ukraine et le blocage du canal de Suez, la dépendance aux matériaux est un sujet particulièrement mis en avant ces derniers temps et touche des secteurs aussi divers que la construction, le funéraire, la voirie ou l'urbanisme. Pour retrouver une marge de manœuvre, le choix du local est plus que jamais sur le devant de la scène, y compris dans la filière de la pierre naturelle.
Une pénurie de matériaux sans précédent
Avec la pandémie du Covid-19 et sa succession de confinements et couvre-feux à échelle mondiale, l'extraction et le commerce des matières premières ont connu un ralentissement sans précédent. Lors du rebond d'activité post-Covid, les stocks ont été dévalisés, créant une pénurie de matériaux et une hausse des prix alarmante.
Puis il y a eu le blocage du canal de Suez en 2021. Pendant six jours, les 50 navires et 10 milliards de dollars de marchandises quotidiens ont été immobilisés de part et d'autre du canal, dont 75 % des conteneurs en provenance de Chine (1).
En février 2022, alors que les échanges internationaux n'étaient pas encore revenus à la normale, la guerre en Ukraine renforce la crise de l'approvisionnement des matériaux, en ajoutant à cela la crise énergétique qui augmente considérablement les coûts de transport.
Des conséquences importantes dans le secteur de la construction
Dans sa note de juillet 2022, le CERC Auvergne-Rhône-Alpes détaille les principales préoccupations des entreprises de la construction confrontées à cette crise des matériaux inédite.
L'inquiétude majeure de la filière du bâtiment concerne la difficulté à renégocier les prix des contrats déjà en cours, bien que cela soit en voie d'amélioration avec l'intégration de nouvelles clauses de révision dans les contrats, à cause de la difficulté d'approvisionnement des matériaux : granulats, BPE, aluminium, métal, bois... Qui plus est, cette situation entraîne des retards ou décalages de chantiers.
Autre préoccupation : la baisse du nombre d'appels d'offres pour le secteur des travaux publics, même si les carnets de commandes assurent encore une visibilité à court terme. Selon la lettre mensuelle de juillet 2022 de l'UNICEM, les travaux publics réalisés sont en recul de -8,6 % en volume, idem pour les prises de commandes qui souffrent d'une baisse de -4,8 % en volume.
La pierre locale se positionne face à la crise des matériaux
Pour sortir de la dépendance des matériaux, il faut relocaliser ! Certes, la pierre naturelle ne peut pas tout remplacer, mais elle offre des avantages reconnus pour la construction que nous avons déjà abordés ici.
Si le granit breton était fortement concurrencé par le granit chinois, les enjeux évoqués ci-dessus le rendent nettement plus compétitif. La pierre naturelle provenant de Chine ou d'Inde ne pouvant plus être acheminée à faible coût, les pierres naturelles espagnole et portugaise enregistrent une hausse des demandes provenant de toute l'Europe. Dans le secteur du revêtement et du dallage, les prix de transport rendent la pierre marocaine ou turque nettement moins compétitive. Une nouvelle fois, les regards se tournent vers l'Europe.
Pourquoi choisir la pierre naturelle française
dans les travaux publics ?
Tous les voyants semblent au vert et les carnets de commandes ne désemplissent plus dans les carrières. Mais c'était sans compter sur un événement imprévu qui menace cette dynamique positive : les coûts de l'énergie.
La filière retient son souffle face au cours de l'énergie
« On ne pensait pas qu'il allait y avoir une telle crise énergétique » nous confie Bertrand Irribaren, Vice-Président Revêtement mince et décoration du SNROC et dirigeant de la carrière de Luget. « Nous avons monté des panneaux photovoltaïques, modifié notre stratégie de production, opté pour des machines moins énergivores. Cette année, nous avons économisé 15 % d'énergie tout en augmentant notre production de 10 %. Pourtant le coût d'achat du mégawatt a été multiplié par cinq actuellement et nous allons devoir renouveler notre contrat l'an prochain. »
Des craintes partagées par Emeric de Kervenoaël, Vice-président Construction massive du SNROC et Directeur des Carrières de Noyant. « Dans le gros œuvre, cela fait longtemps qu'il y a un phénomène structurel de fond qui favorise les matériaux disponibles sur le bassin de construction. La crise est venue exacerber cela sur certains autres secteurs d'activité. Notre principale problématique, c'est surtout le prix de l'énergie. Le cours de l'électricité change avec une ampleur complètement inédite, les prix ont déjà bondi de 100 % à 150 % en 2022. Tout va se jouer pour nous dans les prochaines semaines. »
Pour tirer pleinement parti de la tendance à la relocalisation accélérée par la crise des matériaux, la filière de la pierre naturelle locale doit d'abord s'assurer un accès à l'énergie à des tarifs raisonnables. Le secteur est dans les starting-blocks, avec l'appui de l'UNICEM, pour faire entendre ses préoccupations. Affaire à suivre…
(1) Forbes : Blocage du Canal de Suez : quelles conséquences sur le monde ?
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