La Route de la Pierre : premiers retours de l'expédition un an après le top départ
Orianne Pieragnolo et Louis Dutrieux voyagent à vélo à travers l'Europe et l'Asie pour dresser un panorama des pratiques de la taille de pierre.
Depuis le 10 juillet 2022, une initiative atypique sillonne les routes européennes. À bord de leur vélo, les tailleurs de pierre Orianne Pieragnolo et Louis Dutrieux visitent carrières de pierre, monuments et « Bauhütte » pour dresser un panorama des pratiques de la taille de la pierre, des portes de la France jusqu'en Chine. Alors que leur première étape s'achève sur les rives de la mer Noire, ils ont partagé un premier bilan lors d'une visioconférence le 15 juin 2023.
© Le Binôme de la Route de la Pierre
Découvrez l'expédition de La Route de la Pierre
À l'ombre des cathédrales, les Bauhütte dévoilent leurs secrets
Le début de ce périple sera rythmé par la visite de carrières et de Bauhütte, ces ateliers de cathédrale dédiés à la construction, l'entretien et la restauration. Rares sont encore en activité aujourd'hui, mais la tradition survit dans les territoires germaniques et dans certains pays nordiques.
Confronté à la difficulté de trouver du travail en plein mois d'août en Suisse, le binôme met le cap pour l'Allemagne et suit le cours du Danube le long de la véloroute EuroVélo 6. Après avoir visité la plus haute flèche d'Europe à Ulm, c'est aux abords du lac de Constance que le duo s'installe pour un mois et demi dans un premier atelier, sous la direction de Martin Wiesenmayer, pour travailler notamment sur la restauration du musée Cavazzen. Le voyage continue à Ratisbonne dans la Bauhütte d'une des premières cathédrales gothiques allemandes, puis à Passau, avant de traverser la frontière autrichienne dans les premiers frimas de l'automne.
Mi-octobre, la Route de la Pierre pose ses sacoches de travail à Vienne pour oeuvrer pendant dix jours sur les pinacles de la cathédrale et visiter les archives où des centaines de pierres sont soigneusement collectées et annotées.
De la Hongrie à la Bulgarie, le paysage s'orientalise
Toujours le long de l'EuroVélo 6, le binôme se dirige vers Budapest et pousse la porte d'un petit atelier à Sóskút. Malgré la barrière de la langue, Orianne et Louis se rendent compte que le métier de tailleur de pierre est un langage à lui seul et travaillent pendant trois semaines sur la taille d'éléments néo-gothiques en pierre tendre de Sóskút, extraite sur le site même de l'atelier. La visite à un taillandier permet au duo de repartir de Hongrie avec des outils neufs, non sans avoir participé au 23e congrès de tailleurs de pierre à Budapest.
À la recherche des tailleurs de pierre serbes
En Serbie, le changement culturel amorcé en Hongrie s'accélère : le paysage se pare de constructions d'inspiration ottomane, la musique résonne à chaque coin de rue, mais aucune trace des tailleurs de pierre. Les marbriers (Kemenoresaç) sont, cependant, bien présents. La cathédrale de Belgrade, avec sa structure en béton et son habillage de pierre, montre que la machine a une place prépondérante. C'est finalement dans le petit village de Rogljevo que le binôme s'arrête pour refaire des éléments en pierre d'un domaine repris par un couple de vignerons.
Découvrez le métier de marbrier
En Bulgarie, un savoir-faire en déclin assisté par les machines
La traversée de la Bulgarie est sous le signe des influences orientales. Le binôme marque un arrêt à Mezdra, où une usine de jadis 300 salariés survit dans d'immenses entrepôts avec seulement 20 employés qui transforment de la pierre calcaire à l'aide de machines. C'est l'occasion de présenter le projet de la Route de la Pierre à l'école de taille de pierre de Bulgarie, qui compte une quarantaine d'élèves contre plusieurs centaines dans les années 70.
Un an sur la Route de la Pierre, c'est :
- 2 vélos et 50 kg de chargement chacun
- 40 entreprises et 5 Bauhütte visitées
- 8 lieux de travail différents
- 7 carrières de pierre explorées
La suite se dévoile au fur et à mesure dans le bulletin mensuel !
Une visioconférence qui a attiré aussi bien curieux que « pierreux »
La force de la Route de la Pierre réside non seulement dans son projet scientifique, mais aussi dans sa capacité à faire connaître le métier de tailleur de pierre à un public plus large. Les questions étaient nombreuses à l'issue de cette visioconférence, dont voici quelques réponses qui intéresseront tout particulièrement les professionnels de la pierre.
Quel revenu pour les tailleurs de pierre en Europe ?
Le niveau de vie des tailleurs de pierre a particulièrement captivé l'auditoire. Si le salaire est plus élevé en Bavière et en Autriche, la Hongrie propose également des revenus décents. Ce salaire dépend pour beaucoup des sources de financement : dans le cas des Bauhütte, comme celle de Vienne, le mécénat permet de payer en partie les tailleurs de pierre. En Bulgarie, Orianne et Louis notent l'absence de budget conséquent dédié à la restauration des monuments.
Quid de la stéréotomie ?
Concernant l'art de découper et d'assembler des éléments structurels (escaliers, voûtes, arcs…), la Route de la Pierre constate que ce savoir-faire semble être « en perdition », malgré la rencontre avec Andelka, une architecte serbe qui a réalisé un doctorat sur la stéréotomie.
Et ensuite ?
Un retour en France est prévu à l'été 2023 avant de repartir sur la route au printemps 2024, cette fois-ci depuis la Géorgie. Le temps d'analyser les données, documents et échantillons récoltés, de préparer la suite de l'étude, et d'assister à plusieurs événements pour parler de cette expédition hors du commun.
Retrouvez le bilan 2022 de l'expédition
Du 5 au 7 décembre 2023, le binôme de la Route de la Pierre sera présent sur le salon Rocalia afin de partager son expérience et les premiers fruits des données récoltées. Soyez au rendez-vous !