Manque à gagner pour les territoires : l'import de pierre naturelle coûte cher
Une étude du SNROC révèle que l'importation de pierre naturelle coûte, en réalité, bien plus cher que l'achat local.
Face à l'envolée des coûts des matériaux, les prescripteurs dans les secteurs de l'architecture et du patrimoine sont tentés de poursuivre une habitude déjà bien ancrée : faire des économies en optant pour l'importation de roches ornementales et de construction. Mais est-ce un si bon calcul ? Le SNROC a dévoilé sur le salon Rocalia 2023 les conclusions stupéfiantes d'une étude : l'importation de pierre naturelle coûte, en réalité, bien plus cher que l'achat local. Explications.
Méthodologie d'une étude très attendue par la filière
Quelles sont les retombées économiques, sociales et environnementales de l'achat local de roche ornementale française versus l'importation d'Europe et hors Europe ? Pour analyser les coûts visibles et cachés, le SNROC a chargé la cellule économique de Bretagne VËIA d'enquêter sur deux des roches les plus prisées — le granit et le calcaire — en se basant sur des chantiers types d'aménagement. Le CTMNC a apporté son expertise dans cette étude pour évaluer les coûts environnementaux.
Les éléments étudiés sont :
- le coût initial de la matière première ;
- le coût du bilan carbone (production et transport), selon le principe du pollueur-payeur ;
- les gains et bénéfices pour l'État et les collectivités tels que :
- TVA, taxes et impôts divers
- impôts sur le revenu et charges sociales des emplois maintenus
- TVA liée à la consommation des salariés
- absence d'allocation chômage à verser
Alors que 50 % des roches ornementales et de construction sont importées, les résultats incitent clairement à questionner les habitudes des prescripteurs et à sortir d'une vision économique court-termiste.
Les coûts cachés font bondir les prix de la pierre naturelle
Si l'on prend seulement le coût initial, acheter de la pierre naturelle française est de prime abord moins compétitif. Mais dès que l'ensemble des retombées socio-économiques sont prises en compte, la facture grimpe.
Concernant le granit
L'analyse porte sur un chantier type de 5000m² de pavés en granit à Paris, et compare l'achat français versus l'import depuis l'Espagne, le Portugal et la Chine. Le surcoût calculé est de :
- + 27 % de coût en important d'Espagne
- + 28 % de coût en important du Portugal
- + 35 % de coût en important de Chine
Concernant la pierre calcaire
L'analyse porte sur un chantier type de 2000m² de pierre calcaire à Paris, et compare l'achat français versus l'import depuis l'Espagne et la Turquie. Le surcoût calculé est de :
- + 49 % de coût en important d'Espagne
- + 35 % de coût en important de la Turquie
Par ailleurs, l'étude a calculé que 10 emplois directs dans la filière de la roche ornementale et de construction génèrent 10 emplois indirects et 3 emplois induits, soit un effet multiplicateur de 1,3. Pour rappel, la filière de la pierre naturelle française représente 640 entreprises, 6 100 emplois directs et 525 millions de chiffre d'affaires annuel (1). Enfin, l'impact environnemental est de 2 à 4 fois plus élevé en choisissant d'importer la pierre naturelle.
L'étude du SNROC démontre ainsi qu'acheter de la pierre naturelle locale permet d'agir positivement sur quatre volets :
- les retombées financières pour les entreprises locales ;
- le bilan carbone ;
- les emplois locaux (directs et indirects) ;
- et la contribution au budget de l'État et des collectivités.
Sans oublier que c'est une réponse à la crise des matériaux !
Des résultats qui interpellent la profession
« Les chiffres annoncés ont suscité la stupéfaction auprès des granitiers bretons », a déclaré Matthieu GOUDAL (Directeur d'Exploitation Granit SCB/GRV - Président Association IG Granit de Bretagne) lors de cette conférence. « Il faut porter cette étude auprès du plus grand nombre et rendre les métiers plus attractifs. Nous devons prendre du recul et moderniser nos entreprises pour être plus compétitifs et avoir une production responsable. »
Du côté de Vincent GUILBAUD, Directeur Commercial SETP, les impacts positifs de l'achat local sont déjà visibles, mais menacés : « Nous avons doublé nos effectifs en 10 ans grâce à des commandes obtenues sur le marché français. Aujourd'hui, nous sommes confrontés aux produits d'importation, et cette étude peut nous permettre de justifier le prix de nos produits. »
Cette étude sera d'une aide salutaire pour sensibiliser les collectivités à l'importance de privilégier la pierre naturelle locale. Avec pédagogie, le secteur poursuit ses efforts pour faire adopter une vision plus globale aux prescripteurs, et espère mettre un frein à l'import sans discernement de pierre naturelle.
Merci aux intervenants Rachel MONTIER, Chargée d'Intelligence Economique VËIA, Géraldine CARIOU, Directrice VËIA, Matthieu GOUDAL, Directeur d'Exploitation de S.C.B granits & GRV et Vincent GUILBAUD, Directeur Commercial SETP pour avoir animé cette conférence.
(1) SNROC : Chiffres clés de la filière pierre naturelle